Suite
aux récents évènements de Catalogne, nous publions un extrait de
l'Interview de Jorge Semprun par Olivier Guez : Où va l'Europe ?
Jorge Semprun : Ortega y Gasset, le plus grand philosophe espagnol du
XXe siècle, disait bien avant l'avènement de Franco que si l'Espagne
avait un problème, la
solution se trouvait en Europe.
L'Espagne post-franquiste, celle de la transition démocratique de
Felipe Gonzalez, a fait sienne cette idée. Pas seulement pour améliorer
son bien-être, via les fonds structurels et les aides des programmes
européens qui ont représenté des transferts considérables les premières
années, mais parce que l'Europe constituait un formidable facteur de
démocratisation. Aujourd'hui, l'Espagne dispose d'une démocratie
consolidée, imparfaite bien évidemment, mais consolidée. Et comme
ailleurs, comme chez les États fondateurs de l'UE, l'intérêt pour la
construction européenne est désormais plus faible, tant chez les
politiciens qu'au sein de la population, et je le regrette. Un
sentiment de dette vis-à-vis de l'Europe perdure, certes, mais
l'engouement des premières années a disparu. Je constate moins
d'initiatives, moins d'imagination...
LA
MARCHE DE L'HISTOIRE lundi
26 juin 2017 par Jean Lebrun Montand-Signoret,
couple politique
Dans
les derniers jours de 1956, en dépit de la répression de la révolution
hongroise par l’Armée rouge, Montand et Signoret s’étaient résolus à
partir pour une longue tournée...
L'HISTOIRE
À LA LETTRE
«
L’Histoire à la lettre » est une émission littéraire qui
accueille des écrivains juifs et non juifs ayant
récemment publié des livres articulant l’écriture littéraire à
l’écriture de l’Histoire et à des thématiques récentes de recherches
identitaires. Elle a lieu une fois par mois, le mardi de 21h05 à 22h.
Mar. 20
Juin - 21:00
- L'Histoire à la lettre Anny
Dayan Rosenman
Invitée:
Corinne Benestroff auteur du livre "Jorge Semprun. Entre résistance et
résilience" paru aux éditions CNRS EDITIONS 2
En ce mois de mai, le Mémorial de Royallieu
a plusieurs actualités que nous avons plaisir à partager avec vous. Plus d'Infos
Jorge
Semprun a traversé et marqué
ce siècle, tant par ses écrits,
romans et
scénarios de films engagés tels l’Aveu ou Z de Costa-Gavras que par sa
vie : enfant de la guerre civile d’Espagne, exilé, résistant, déporté,
rescapé de Buchenwald, dirigeant d’un Parti Communiste Espagnol
interdit, dont il est exclu, puis Ministre de la Culture dans un des
gouvernements de Felipe Gonzalez. Européen
infatigable, ses écrits tant en espagnol qu’en français ou en allemand
font date et ont contribué à faire bouger les lignes et avancer l’idée
européenne.L’Association
n’aura pas que pour objectif de perpétuer la mémoire de Jorge Semprun
mais aussi être un lieu de rencontre, de discussion, de débats, de
conférences et colloques, de recherche sur l’homme, Jorge Semprun et
sur ses engagements, ses combats.
Son
champ d'action, même si l'origine en est "seine-et-marnaise" a une
dimension européenne...
Jorge
Semprun est décédé le 7 juin 2011 à Paris et a été inhumé en
Seine-et-Marne à Garentreville près de Nemours dans ce village où il
possédait une maison.Nous
commémorons sa mémoire chaque 7 juin en déposant une gerbe de
fleurs
au cimetière de Garentreville. Nous avions inauguré le 7 juin
2012 la perspective Jorge Semprun à Savigny-le-Temple en
compagnie de nombreuses personnalités et d'amis qui avaient tenu à lui
rendre cet hommage. Ecrivain,
scénariste et homme politique espagnol dont l'essentiel de l'œuvre
littéraire est rédigé en français. Il est inhumé « dans le drapeau
républicain espagnol ».
Jorge
Semprún est issu d'une famille de la grande bourgeoisie espagnole. Sa
mère, Susana Maura (décédée en 1932) est la fille de l'homme politique
libéral des années 1880-1925, Antonio Maura, président du gouvernement
espagnol, et la sœur de Miguel Maura, ministre et républicain modéré.
Son père, José María Semprún (1893-1966), catholique et républicain,
avocat et professeur de droit, a occupé pendant la deuxième république
des fonctions de gouverneur civil de province (Tolède, Santander).
Durant la Guerre civile espagnole, il fut diplomate au service de la
République espagnole à la Haye. En 1939, après la défaite des
Républicains, ses parents s'établissent définitivement en France.
Période
de la guerre d'Espagne
Pendant
le déclenchement de la Guerre d'Espagne, en juillet 1936, la famille se
trouve en vacances à Lekeitio, près de Bilbao ; elle gagne Bayonne en
bateau, séjourne d'abord à Lestelle-Bétharram (Pyrénées-Atlantiques)
dans la maison de Jean-Marie Soutou, un proche d'Esprit, revue dont
José María Semprún était correspondant en Espagne, puis dans la région
de Genève où il se voit offrir un poste diplomatique : du début de 1937
à février 1939, il représente la République espagnole aux Pays-Bas.
Jorge et ses six frères et sœurs passent donc deux ans dans ce pays ;
Jorge est scolarisé dans un lycée local et maîtrise, à cette époque, le
néerlandais.
Exil
en France
Après
la fermeture de la légation républicaine à La Haye, la famille s'exile
en France ; Jorge termine ses études secondaires au lycée Henri-IV, à
Paris ; il participe à la manifestation patriotique du 11 novembre 1940
; en 1941, il obtient le 2e prix de philosophie au Concours général et
est reçu au baccalauréat, puis commence des études de philosophie à la
Sorbonne.
Résistance
Il
rejoint aussi la Résistance. Il entre en contact avec le réseau
communiste des Francs-tireurs et partisans-Main-d'œuvre ouvrière
immigrée (FTP-MOI) et entre au Parti communiste d'Espagne (PCE) en
1942. Mais il intègre, avec l'accord de la MOI, le réseau Jean-Marie
Action, qui relève de l'organisation Buckmaster, c'est-à-dire la
section France des services secrets britanniques (SOE). Ce réseau,
dirigé par Henri Frager, opère en Bourgogne (réception de parachutages
d'armes et répartition de ces armes dans les maquis de l'Yonne et de la
Côte-d'Or).
Déportation
En
septembre 1943, Jorge Semprún est arrêté par la Gestapo à Joigny et,
après un séjour à la prison d'Auxerre, déporté au camp de concentration
de Buchenwald. Après la période de quarantaine dans le Petit Camp, il
est affecté par l'organisation communiste clandestine du camp à
l'Arbeitsstatistik (l'administration du travail), sans toutefois entrer
dans la catégorie des détenus privilégiés (Prominenten).
Imprescindibles - Semprún sin Semprún
Dans
cette organisation, il a pour supérieurs de futurs cadres des
démocraties populaires : Josef Frank, Ladislav Holdos, Ernst Busse,
Walter Bartel, Willi Seifert (kapo de l' Arbeitsstatistik). Pour le
compte du PCE, dont le leader dans le camp est Jaime Nieto (dit «
Bolados »), il est chargé d'organiser des activités culturelles pour
les déportés espagnols. Par ailleurs, il a l'occasion (pendant la
demi-journée de repos du dimanche après-midi) de fréquenter le
sociologue Maurice Halbwachs ainsi que le sinologue Henri Maspero, eux
aussi détenus à Buchenwald, jusqu'à ce qu'ils y meurent.
Peu
avant l'arrivée des troupes américaines du général Patton, il participe
au soulèvement des déportés. Le camp est libéré le 11 avril 1945 ;
Jorge Semprún est évacué le 26 et est de retour à Paris à la fin du
mois.
Le
retour à la vie civile va être très difficile, avec notamment
l'incident de sa chute de train à l'arrivée en gare de Saint-Prix (où
habite son père) en août 1945. Il commence ensuite à mettre par écrit
ses souvenirs de Buchenwald mais, séjournant dans le canton suisse du
Tessin avec la famille de sa sœur Maribel (d'octobre 1945 à janvier
1946), il se rend compte que la poursuite de ce travail le met en
danger. Il prend alors la décision non seulement d'y mettre fin, mais
encore de ne plus repenser à ce qui s'est passé durant ces années (il
parle d'« amnésie volontaire »).
En
1947, il a un fils, Jaime, avec la comédienne Loleh Bellon. Jaime
Semprun décédera malheureusement en août 2010.
Parti
communiste d'Espagne
Il
reste un
membre actif du PCE. Pendant quelques années, il milite tout en
travaillant, principalement comme traducteur à l'UNESCO. En 1952, il
devient permanent du parti affecté au travail clandestin en Espagne.
De
1953 à 1962,
il coordonne la résistance communiste au régime de Franco, faisant
plusieurs longs séjours en Espagne sous différents pseudonymes,
notamment celui de Federico Sánchez. Il est plus particulièrement
chargé des relations avec les milieux intellectuels. Il entre au Comité
central du PCE en 1954 puis au Comité exécutif (Bureau politique) en
1956. Il effectue aussi plusieurs missions dans les pays de l'Est, en
particulier auprès de Dolores Ibárruri, Secrétaire général du parti :
en janvier 1956, à Bucarest ; et de nouveau en 1959, à Ouspenskoie
(URSS), avec Santiago Carrillo : c'est à ce moment que Dolores Ibárruri
annonce à ses visiteurs sa démission du poste de Secrétaire général.
En
1962, Santiago Carrillo, devenu Secrétaire général, décide de le
retirer du travail clandestin en Espagne.
Il
est exclu du
parti en 1964, en même temps que Fernando Claudín. La raison invoquée
est : « divergence de point de vue par rapport à la ligne du Parti ». À
partir de ce moment, il se consacre principalement à l'écriture.
Action
politique après 1964
En
1966, il
demande aux autorités espagnoles un passeport officiel, qui lui est
accordé, bien qu'avec réticence, compte tenu de son passé. Il peut
ainsi circuler librement entre l'Espagne et la France où il continue de
résider. En 1969, Jorge Semprún participe à la création des éditions
Champ Libre aux côtés de Gérard Lebovici.
Un
épisode
important est la période 1988-1991 : Jorge Semprún occupe le poste de
ministre de la Culture dans le gouvernement socialiste de Felipe
González. Dans cette fonction, il se trouve très vite en conflit larvé
avec Alfonso Guerra, le leader en second du PSOE, le Parti socialiste
ouvrier espagnol ; en 1991, il est amené à quitter le gouvernement,
Felipe González ayant décidé de couvrir des pratiques discutables
d'Alfonso Guerra.
Jorge
Semprún a écrit des romans, des récits autobiographiques, des pièces de
théâtre et des scénarios, pour lesquels il a reçu plusieurs
récompenses. Un thème récurrent de son œuvre est la dénonciation de
l'horreur de la guerre, et notamment des camps de concentration.
1969
: prix Femina pour La Deuxième Mort de Ramón Mercader. Le
prix de la Paix des éditeurs et libraires allemands (1994), le prix
Fémina Vacaresco (1994) et le prix littéraire des droits de l'Homme
(1995) lui ont été décernés pour L'Écriture ou la vie. 1995
: prix de la ville de Weimar 1999
: prix Nonino (Italie) 1996
: élection à l'académie Goncourt (il n'a pas pu entrer à l'Académie
française car il a conservé la nationalité espagnole.) 2004
: prix Ulysse pour l'ensemble de son œuvre 30
novembre 2007 : insignes de docteur honoris causa de l'université
Rennes 2 Haute Bretagne
L'œuvre
romanesque de Jorge Semprun se répartit autour de quelques thèmes et
des grands événements qui ont émaillé son existence. Beaucoup de ses
ouvrages éminemment autobiographiques sont des témoignages, des
réflexions sur la terrible expérience qu'il a vécue dans les locaux de
la Gestapo à Paris, puis dans le camp de Buchenwald et sa difficile
réadaptation : Le Grand Voyage, L'Évanouissement, Quel beau dimanche,
Le mort qu'il faut, L'écriture ou la vie et Vingt ans et un jour.
D'autres
retracent plutôt son parcours clandestin à l'époque du franquisme quand
il était un membre éminent du Parti communiste espagnol :
Autobiographie de Federico Sanchez et La deuxième mort de Ramon Mecader.
Jorge
Semprún, memoria del siglo XX europeo (Jorge
Semprun Mémoire du XXe Siècle européen : en espagnol)
Une
autre catégorie importante concerne sa vie d'exilé en France et les
années de l'après-franquisme : Adieu vive clarté..., Montand la vie
continue, L'algarabie, La montagne blanche et Federico Sanchez vous
salue bien.
Semprun
affirme qu'après une tentative à la fin de 1945, il lui a été
impossible d'écrire pendant une vingtaine d'années quoi que ce soit sur
son expérience de déporté, afin de sauvegarder sa propre existence,
mise en danger par l'écriture de l'indicible. En revanche, il a écrit
sur d'autres sujets ; lui-même cite dans l'Autobiographie de Federico
Sanchez quelques textes de ceux qu'il a écrit durant cette période.
C'est le cas par exemple de Soledad, une pièce de théâtre d'orientation
communiste, ainsi que de nombreux poèmes, relevant du culte de la
personnalité. Il ne considère cependant pas ces productions comme
pourvues d'un grand intérêt et ne les cite que comme reflets d'une
période politique, celle du stalinisme triomphant. En tout état de
cause, avant Le Grand Voyage, l'activité d'écriture littéraire occupe
une place très limitée dans son existence.
Tout
au long de sa carrière, il obtient de nombreux autres prix et
reconnaissances. Avec son premier roman il a gagné le prix Formentor,
récompense prestigieuse pour la littérature. Il a été candidat à
l'Académie Française et à partir de 1996 membre de l'Académie Goncourt.
Il a également été membre de l'Académie Universelle des Cultures à
Paris, membre de la section de littérature de l'Académie des Arts de
Berlin, membre honoraire du Cercle des lecteurs et a obtenu des
doctorats honorifiques des universités de Tel-Aviv (Israël), Turin
(Italie), Louvain (Belgique) et l'Université de Potsdam (Allemagne).
Il
a présidé la section espagnole de l'ONG Action Contre la Faim et a
enseigné la littérature à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone. En
2003, il a publié son troisième ouvrage en castillan, "Vingt ans et un
jour", qui dépeint l'avant-guerre et l’après-guerre en Espagne. En 2006
parait "Penser en Europe", un recueil d'articles et de conférences dont
le thème est l'histoire de l'Europe.